Abeille domestique et abeilles sauvages
Les abeilles dites sauvages sont dénommées de la sorte par opposition avec l’Abeille dite domestique, appelée encore Abeille mellifère (Apis mellifera). Celle-ci, qui est élevée, notamment pour nous pourvoir en miel, jouit d’une grande sympathie auprès du « grand public ».
C’est souvent au singulier qu’on parle d’abeille et on y associe presque systématiquement la ruche, la reine, le miel, les menaces auxquelles elle et les apiculteurs sont confrontées, les services rendus… Pourtant, les abeilles constituent un vaste groupe taxonomique, extrêmement riche en termes de biologie et d’écologie, qui comprend près d’un millier d’espèces en France. Rajoutons, d’une part, qu’une faune apidologique diversifiée offre un meilleur « service de pollinisation » par rapport à un cortège appauvri et a fortiori à l’Abeille domestique seule. D’autre part, les problèmes que rencontrent l’apiculture ne correspondent pas toujours, loin de là, à ceux que connaissent nombre d’espèces d’abeilles sauvages.
Ainsi, il est très simpliste de parler de « l’abeille » ou de ne réduire les abeilles qu’à la seule Abeille domestique.
Eléments de systématique, de biologie et d’écologie
Les abeilles appartiennent à l’ordre des hyménoptères et possèdent comme tous ses représentants deux paires d’ailes membraneuses et un système d’accrochage qui permet leur couplage en vol. Leur développement est holométabole c’est-à-dire qu’il comprend un stade larvaire et un stade intermédiaire immobile où se déroule la nymphose, avant la vie imaginale.
Elles sont également des aculéates, présentant une taille de guêpe ainsi que, pour les femelles, un aiguillon. Ce dernier correspond d’un point de vue évolutif à une transformation de l’ovipositeur, organe de ponte encore présent chez les hyménoptères d’origine plus ancienne et servant à appliquer la ponte au sein de tissus végétaux ou animaux.
Les abeilles sont de proches parentes des guêpes et particulièrement des spheciformes (qui, en France, regroupent les familles suivantes : Ampulicidae, Crabronidae et Sphecidae). Dans ces taxons, les larves sont carnassières. C’est là une différence majeure avec les abeilles. En effet, celles-ci, qui constituent un groupe monophylétique, sont toutes caractérisées en particulier par la présence de poils ramifiés. Ce trait anatomique est en lien direct avec le régime alimentaire des larves, qui pour leur développement, consomment un mélange de pollen et de nectar, en proportions variables selon les espèces. Les poils en question permettent une récolte et un transport du pollen efficaces.
C’est ce qui explique pourquoi les abeilles entretiennent d’étroites relations avec les plantes à fleurs et participent largement, voire exclusivement dans certains cas, à la reproduction de nombre d’entre elles en tant que pollinisateurs. Le rôle majeur qu’elles jouent au sein des écosystèmes mais aussi en tant qu’auxiliaires de nos cultures est aujourd’hui bien reconnu.
Un grand nombre d’espèces présente une affinité marquée pour un groupe restreint de plantes, voire pour un genre en particulier. On parle de lectisme1 (poly-, oligo-, mono-).
Dans notre pays, les abeilles sont représentées par 6 familles, les Apidae, les Megachilidae, les Halictidae, les Andrenidae, les Colletidae et les Melittidae, et près de 1000 espèces. A titre de comparaison, environ 120 espèces de mammifères et 600 espèces pour l’ensemble constitué des « papillons de jour », des odonates et des orthoptères sont présentes en France.
En font partie donc l’Abeille mellifère, mais aussi les bourdons, avec 48 espèces françaises, qui sont également des insectes sociaux. Certaines espèces de la famille des Halictidae présentent aussi des degrés plus ou moins avancées de sociabilité. Toutes les autres familles comprennent uniquement des espèces qualifiées de solitaires. En quelque sorte, chaque femelle est indépendante et joue à la fois les rôles de la reine et des ouvrières : de la reine en ce sens qu’elle est fécondée et pond les œufs ; des ouvrières car elle prend en charge l’ensemble des tâches de l’établissement d’un ou plusieurs nid(s) et de la récolte des ressources nécessaires à l’élevage de la génération qui lui succédera. Il n’y a pas de castes, juste une distinction entre mâles et femelles, les premiers ne jouant qu’un rôle dans la reproduction (transport des gamètes de leur mère, ce qui caractérise la diplohaploïdie2).
L’emplacement et la structure des nids sont très variables. Les femelles peuvent en creuser elles-mêmes dans le sol voire dans bois, le plus souvent plus ou moins pourri, ou encore dans des tiges à moelle. Elles peuvent également exploiter des cavités préexistantes soit dans les substrats déjà nommés, soit dans une multitude d’autres (par exemple coquilles d’escargot, anfractuosités dans la roche, galles, galeries dans du bois dur, souvent creusées par des coléoptères xylophages etc…). Enfin, un certain nombre d’espèces, dites maçonnes, construisent leurs nids de toute pièce avec divers matériaux (tels que petits cailloux, sables, argiles…). Souvent, les nids sont tapissés avec des sécrétions diverses ou garnies de matériel végétal.
Notons que la plupart des bourdons nichent dans le sol, affectionnant particulièrement les terriers de rongeurs et que plus largement environ deux tiers des espèces d’abeilles sauvages sont terricoles.
Il est également une partie des abeilles qui n’aménage pas de nids, et qui ne récolte pas de pollen. Ces abeilles sont des parasites que l’on nommera abeilles-coucou, traduction littérale du « cuckoo-bees » usité chez les anglo-saxons. Elles exploitent la récolte de leur hôte au bénéfice de leur propre descendance. Ces espèces parasites pénètrent des nids approvisionnés ou en cours d’approvisionnement et vont pondre à la place de l’hôte. Soit les femelles remplacent l’œuf déjà pondu en le détruisant, soit elles laissent ce soin à leur jeune progéniture, dont le développement est plus prompt que celui de l’hôte.
1 On dit d’une espèce d’abeille qu’elle est polylectique lorsqu’elle utilise un large spectre de plantes pour la récolte du pollen. On peut cependant parler de polylectisme avec préférence pour telle famille ou telle autre. On parle d’oligolectisme lorsqu’une espèce est strictement liée à une famille ou à un genre et de monolectisme lorsque ce lien se limite à une seule espèce de plante. Ce dernier cas est très rare en Europe.
2 Système de détermination du sexe dans le lequel les mâles sont issus d’œufs non fécondés et haploïdes, les femelles étant quant à elles diploïdes ; règle chez tous les Hyménoptères, ce qui y expliquerait le développement important de la sociabilité au sein de cet ordre.